Le soleil, la mer et les citrons

Longtemps après l’été,

J’ai ramené mes lettres dans la pièce exacte où je les avais écrites

il y a mille ans un quart de siècle au moins

sur le lit exact

Rien n’a changé

peut-être le couvre-lit

Je les ai prises en photo avec mon iPhone je te les ai envoyées à toi

ma complice ma fausse rivale

parce que tu les demandes

parce que si longtemps après tu veux la vérité

du moins cette autre vérité

savoir ce qu’il y avait donc de beau dans cette histoire qui n’était pas la tienne mais

est-ce que c’était la mienne pour autant ah tromperie

mais puisque tu tenais à y revenir

je leur ai dis au revoir

bye bye jolie passion larmes et torture d’hier

car aimer si fort avec sa peau son antre sa bouche son stylo est tourmente et aujourd’hui

je suis dans les rayons du soleil à travers les rideaux de voile, près du citronnier et de l’oranger

qui m’offrent leurs fruits,

merci pour les fruits

merci pour la beauté

c’est l’automne

tu dis : il m’a brisée, je l’ai aimé à l’infini

la brisée et la tourmentée

Retournons un instant à la jonction de l’histoire, là où tu le quittes, là où je le prends,

là où il pourrait être pardonné

@AT Le soleil, la mer et les citrons

Bleu comme matin

Le premier matin

j’ai étalé ma rabane

Puis la futa puis la serviette

ensuite j’ai fait une boule pas très ronde avec le sac de plage et je me suis installée

Il était huit heures trente,

La mer s’était retirée, les graviers et les algues étaient mouillés. Tout semblait timide : le soleil, le bleu du ciel, les vagues.

Au bout de la digue qui faisait l’angle, un dernier pêcheur ramassait ses affaires.

J’ai écouté l’eau, respiré le sel, pensé à sortir un livre du cabas tressé qui me servait de coussin

mais je n’avais pas envie de faire semblant même si c’était un très bon livre.

Il faut savoir que dès le levé suivant j’étais mieux équipée.

Ainsi j’ai disposé pendant quinze débuts de journées, la rabane le matelas de plage (triptyque rouge orné d’une anse qui se déplie sans difficulté) la futa la serviette assez grande et un drap de bain plié pour s’approcher de la forme d’un oreiller, il est jaune vif et il est neuf.

Ponctuelle, arrivant à l’heure où la mer s’était rétractée depuis peu, sur une rive pas sèche, pas sableuse, pas domestiquée

On s’y rend par un petit chemin avec de chaque côté des maisons, certainement de vacances, elles font rêver le monde

au bout de trois marches de fortune, il faut prendre garde, il n’y a pas de rampe, les galets

qui jonchent le sol après l’escalier, ont, à l’occasion, car la mer le soir le capture puis à l’aube les ramène, des pointes qui peuvent blesser les pieds distraits

@AT Bleu comme matin

500, le petit coquin paru chez Ska

Un joli recueil de 56 textes de 500 mots, je suis très heureuse de faire partie de cette équipe, j’y retrouve mes éditeurs préférés, des auteurs que j’aime bien, bref, c’est pas parce que j’y signe, c’est pour de vrai un bien bel opus. Les textes sont courts, bien pesés, bien dosés.

Vous déplacez pas, façon vous pouvez pas, c’est pas un kilo de courgettes et pour le coup c’est moins cher que le kilo de bananes vu qu’il est à moins d’un euro (en numérique, l’édition papier est un cadeau pour les auteurs) et il vous apportera lui aussi son lot de vitamines et de plaisir, allez, la cerise sur le gâteau, c’est qu’il est gratuit, viens cliquer par ici :

LIVRE GRATUIT

 

Le roman de Jauffret – Papa

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J’ai lu le roman de Jauffret. D’abord parce que c’est Jauffret. Ensuite parce que les livres qui mettent en scène des parents d’un genre que je ne connais pas me rendent curieuse.

La première fois que j’ai rencontré Jauffret j’ignorais juqu’à son existence d’écrivain.

J’ouvrais avec mon chef les grilles de l’école. On avait un point commun en plus du portail à ouvrir : les livres. Un matin à 7h40 il m’a dit : Jauffret, les Microfictions, ça te plairait. Depuis je m’emploie à lire ce romancier.

Ce roman est une quête, une recherche du temps perdu. Et une enquête en même temps qu’une interrogation (un interrogatoire ?) de la mémoire ici convoquée. Celle, personnelle, de l’auteur et celle, inhérente à la Seconde guerre. Ce qui me plaît dans ce livre qui se déroule comme un film, c’est ce point d’interrogation que l’on peut apposer après chaque souvenir. Est-ce que les souvenirs sont toujours vrais, est-ce qu’ils se distendent ? Quelle part de fiction l’écrivain distille-t-il en toute connaissance de cause ? Il est clair en revanche que les blessures de l’enfance sont parfaitement écrites, inscrites dans la mémoire.

En lisant ce roman, je pense à l’écriture de Flaubert et je pense aux Confessions de Rousseau, à Renan, aux Souvenirs d’enfance et de jeunesse. Jauffret écrit dans son livre  qu’il ne cherche pas à être moderne. Mais n’est-ce pas une forme de modernité que de s’inscrire dans la grande tradition des livres pérennes ?

Pour espérer réhabiliter le père, Régis Jauffret s’appuie sur un documentaire dans lequel il aperçoit celui-ci qui sort menotté de l’immeuble familial entre deux agents de la Gestapo en 1943. Son père était-il un héros silencieux ? Est-ce un montage de propagande ? Le fils raconte le Marseille de son enfance et mène l’enquête avec la minutie d’un détective et conjointement il caresse de la plume un père idéal, un qu’il construirait, dont il a envie, un avec lequel il puisse se réconcilier.

Et pourtant.

P.131 il écrit : « Alfred, suis-je né avec pour seule mission de te réparer. Les enfants viennent-ils au monde pour servir à leurs parents de médicament. »

P.132 il ajoute :  » Ne rien donner mais se gaver de son enfant comme d’un entremets. »

Il écrit surtout que « Seul le roman a le pouvoir de modifier ce qui a existé ». Sans doute dans cette phrase se trouve la clé de ce très bel opus, de ce livre-film dont on ne lâche la lecture que contraint par la page blanche qui suit le dernier mot.

Régis Jauffret, Papa, éditions du Seuil, 2020

 

Tableau avec des pommes

 

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On serait pas bien, là, détendus du gland et de la touffe ? Il ferait beau, ce serait juillet. Y aurait des pommes du pommier du jardin dans un grand saladier. Je serais en train de trier les fruits, comme les bourgeoises de campagne. Y en aurait des rouges, y en aurait des jaunes qui rougissent et puis des pas assez mûres, cueillies par erreur, à la va-vite. Je m’apprêterais à écarter les plus abîmées, pour les donner aux bêtes. Je les réserverais alors dans un autre récipient. Quelle belle journée ce serait ! Je serais tentée d’en croquer une et puis je ne sais pas trop pourquoi, je me garderais de le faire. Je me souviendrais du panier de Snow White, c’est sûr, ça calme quand on connaît un peu l’histoire. On ne se lasserait pas. La douceur du jour, le paysage bucolique. J’envisagerais, regardant mûrir les abricots et les nectarines de composer quelque compote. Il y aurait l’amabilité des chiens, la possibilité de me poser dans un bon livre. Tout serait changé. Même l’insecte piqueur en prince. Ce serait surprenant. Ce serait un jour chômé. On ne se dirait pas le fonds de nos pensées. Sans doute rêverait-on de sexe, d’une chambre douillette et de ses volets clos, du temps suspendu. On ne serait presque pas au bord de l’ignorance, de la faille sentimentale. On se souviendrait des blés qui renaissent malgré la coupe. On pourrait croire au regain. On serait gagné par une envie folle de ranger un peu la maison. Fêtant ce renouveau gourmand, nous mangerions d’abord une glace, un cône crémeux, croquant, chocolaté ou à la framboise. Il y aurait ce carton qui contient la plaque de cuisson neuve achetée il y a trois mois. Entre temps j’aurais oublié, ne faisant rien chauffer, évitant de recopier Cendrillon. Je demanderais alors : et si on la posait ? Il me serait répondu, faisant tout retomber comme un soufflé en quelques secondes, qu’on verrait plus tard, peut-être à la fin de la saison. Ce serait un jour de pièce de théâtre.

@alinetosca

Osez 20 histoires

J’aime bien cette collection alors j’ai remis ça. Ma nouvelle intitulée  Co vadis clôt le volume. Je ferai une chronique mais pas maintenant car je me consacre aux projets des Éditions du 38. C’est un bel ensemble et je découvre avec plaisir de nouvelles plumes. Je n’ai pas tout lu encore mais mention spéciale à Rita, Clarissa Rivière et Viviane Faure laquelle déploie un art d’écrire émouvant avec sa nouvelle qui porte le titre de Voilà.

Aux éditions de La Musardine, un livre charmant et émoustillant :

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Les éditions Ska

 

  J’ai découvert cette maison d’édition au détour d’une conversation avec Max Obione, sur LinkedIn, puis j’ai échangé avec Jeanne Desaubry et ces deux-là ont tôt fait de me convaincre de leur passion pour les écritures belles, singulières, les auteurs qui s’engagent. J’ai travaillé sur trois textes avec eux et je ne peux que me montrer heureuse du travail qu’ils savent accomplir quand ils accompagnent un auteur jusqu’au livre. Après, je me suis demandé, on est toujours animé par la curiosité, qui sont les auteurs qui sont publiés chez Ska. Et là, surprise, je découvre entre autres Emma Bovary, Alain Emery, Françoise Guérin, auteurs d’ouvrages intéressants, champions des concours de nouvelles mais pas que, investis pour certains dans la blogosphère et pour d’autres présents sur des projets que je connais bien comme la revue Récits de vie, par exemple. Je les ai pas mal croisés, avant d’être Aline Tosca. Je me suis dit, y a quand même une sacrée cohérence quand ils choisissent leurs auteurs. J’aime aussi cette démarche que nous pratiquons chez Collection Paulette aux Éditions du 38 : les auteurs sont repérés, contactés. Mais la porte reste bien sûr ouverte pour les candidatures spontanées.

J’ai eu le plaisir de lire une bonne dizaine d’ouvrages parus chez Ska, en polar, en érotique, dans la collection Mélanges et ce qui réunit ces livres, c’est l’écriture, le goût des styles et ça tombe bien parce que sans écriture, sans marque affirmée de la plume, perso, je m’ennuie vite. Et puis y a ce côté détaché, un peu de cynisme, un certain regard sur le monde. Si vous avez envie de découvrir qui sont les auteurs qui aiment Ska (et Ska le leur rend bien), je vous recommande un recueil collectif de toute beauté : La Sainte Valentine mais aussi une parodie déjantée et très bien écrite, La chatte bottée par Max Obione et un récit initiatique truculent par Claude Soloy, La maîtresse d’école. Le collectif vous permettra de lire Jeanne et Max dans des nouvelles délicieuses mais aussi d’autres auteurs qui méritent d’être connus et reconnus. Le point commun ? Tourner en dérision la Saint Valentin. Mais aussi et j’y reviens, l’art de manier habilement la plume. Je ne résiste pas à poser quelques questions à l’équipe de direction et pour y répondre c’est Jeanne qui s’y colle.

Bonjour Jeanne, peux-tu nous présenter les éditions Ska ?

Ska est née de la passion de Max et de la mienne pour la chose écrite et l’édition. Nous l’avions développée avec une maison papier qui en dix ans avait pris une belle place dans le monde du polar, malheureusement disparue après que nous l’avons cédée. Krakoen. Certains s’en souviennent… Nous croyons que l’édition a un avenir dans le monde numérique. Alors, comme nous apprécions particulièrement le format court, qui est un art vraiment particulier, nous nous sommes lancés dans l’aventure. Ska édite presque exclusivement des nouvelles, dans deux secteurs spécifiques : le noir et le rose.

Quelles sont les thématiques de prédilection de Ska ?

Les deux thématiques phares sont le noir : polar et ses déclinaisons, et le rose, du très clair au rouge vif. Avec dans les deux cas un impératif absolu : la qualité de l’écriture.

Pourquoi le numérique ?

Le numérique ne doit pas s’envisager comme  un danger qui viendrait à terme faire disparaître l’édition papier classique. Il faut le voir en addition, pour d’autres usages dans la vie moderne, auxquels le format nouvelle se prête bien.

Que doivent faire les auteurs pour soumettre un manuscrit ? 

Il y a un petit bouton « contact » sur le site. Une fois une visite approfondie effectuée, voir l’achat de quelques titres pour apprécier nos collections, et si cela parait concevable à l’auteur, alors il adtresse un mail  à Miss Ska, cet avatar de Max et moi. Il faut parfois être patient…

Max et toi êtes aussi des auteurs. Des projets pour 2017 ?

Max est en pleine explosion, romans, scénario, tournage de court… Il n’arrête pas. Moi, j’espère la prochaine parution d’un roman noir sur la résilience, écriture bousculée par de nombreux ateliers que je mène en ce moment.

 

Pour découvrir les livres des Éditions Ska, rien de mieux que la lecture, voici sinon et aussi un petit fascicule hyper bien troussé qui vous dit tout, sur les collections en polar et en érotique et sur les coups de cœur de Ska dans la collection Mélanges :

Clique sur ce lien pour accéder au site
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Poignant arrive chez Postmodern

Je vous ai déjà parlé de ce site très actif qui offre en toute quiétude littérature, conseils, en partenariat avec entre autres Flammarion. Il s’agit de Postmodern

Chaque semaine, vous pouvez recevoir par SMS ou par mail un magnifique texte commenté comme Postmodern sait le faire. Bien sûr, j’ai testé pour vous et je me suis abonnée à plusieurs séries. Résultat, un moment de détente et de plaisir où que je me trouve et quand je le décide. J’adore le concept.

Poignant, c’est la digitale attitude, la modernité qui vise l’excellence d’un rapport sans cesse renouvelé à la littérature.

Alors c’est clair que je ne pouvais pas refuser de faire partie de cette aventure.

Allez, viens, clique, inscris-toi, tu vas pas regretter : Toute la littérature que t’aimes, elle vient de là !

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La rhétorique des femmes qui sont dans la salle (2)

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Je n’ai rien à déclarer et je ne suis pas la seule. On a des choses à dire, à raconter, des anecdotes et des moments de vie parallèles, des trouvailles de supermarchés, des cafés entre amis face à la mer, face à la neige, face à l’immeuble ou à la rue, entre la vigne et l’olivier, sous le soleil sous le nuage, mais de déclaration, d’aveu, point. Tant pis pour cette phrase d’André Malraux : « Ce qui n’intéresse que moi n’intéresse personne », tant pis pour ce journal du rien, du si peu, du banal, de la digression. On parle du prix des avocats, des mangues, de la pluie et du beau temps, la météo voilà, on pourrait faire un livre sur la météo, mais pas celle de la télé ou de Météo France, non, un livre sur les météos personnelles. Ceux qui ont la neige, le givre et y a cinquante ans qu’on a pas eu un si gros manteau blanc, ceux qui montrent des baromètres qui affichent moins quinze et ceux du bord de mer, au sud, qui ont beau temps et le ciel si haut, si bleu, pas le ciel qui vous pose ses nuages sur votre nez. Le ciel qui épouse la mer et même si le vent décoiffe c’est un beau ciel. Parfois, sous le sceau de la confidence, on avoue un amant, on murmure une maîtresse bien plus belle que sa femme qui a grossi, s’empâte, ce n’est pas compliqué, pourtant, de faire un effort. Et cet amant baroudeur, sauvage, mystérieux, cultivé aussi, protecteur et amoureux, cet amant dont on rêve le soir, qu’on espère dans quelques jours, celui à qui l’on pense avant de s’endormir. L’amant comme une berceuse. La vie parallèle, c’est la part de joie conjugale qui a été perdue en route, c’est une façon d’appréhender son propre monde, c’est un secret, une impertinence. De cette impertinence on accepte de parler, on en raconte la magie. Qui s’intéresserait aux machines à laver, au linge du foyer ? Quel intérêt à dévoiler le couple qui ne baise, ne parle, ne débat ? Ce qui n’intéresse que moi ? On a abandonné la possibilité du regain. Inutile de déballer ou d’attendre, on a rien à déclarer. Au début pourtant il vous embrassait dans le cou, vous disait son amour. Et puis c’est parti, avec le temps et la jeunesse, c’est parti dans les bras et la chaleur des autres. Tous les efforts du monde, les suppliques, les cris, ne peuvent y changer rien. Le temps abime le désir, la hâte. Le temps calme l’ardeur ici et la ravive là, ou là. Se taisent les colères, les grognements, les envies. On perd le goût de l’autre sur qui on avait misé tout, sur qui on avait fait tapis. On renaît en dehors de chez soi et en dehors de soi. On s’ouvre pour des loisirs oubliés, retrouvés. Et aussi on revient à l’origine. Vous vous êtes remise à lire des romans photos.  Vous vous êtes souvenue que vous aviez le goût de la presse féminine et des romans à l’eau de rose. Aujourd’hui ça s’appelle la romance, un truc dans le genre. Mais vous n’aimez plus ça, en fait. Les romans guimauve vous ennuient, les romans tout court aussi, même ceux primés, reconnus, ceux des écrivains, ça vous ennuie. Voilà que ça rentre dans des genres, ça se colle une AOC, polar, fantasy, de société, certains se classent en sous-genres et pour le coup on est d’accord, ça fait aussi du sexe une composante d’excitation et quand vous lisez ça ne prend pas, parce que ça manque d’écriture, ça manque de sueur et de poils sous les aisselles. Dans votre culture familiale, y a Nous Deux, Confidences, Intimité. Des magazines achetés chaque semaine qui contenaient des récits vrais, des nouvelles romantiques, un peu de la vie des people et les fameuses fotonovelle. Les deux derniers avaient cessé leur activité. Dernièrement, en kiosque, vous avez eu cette surprise de retrouver Intimité. Vous ne l’avez pas acheté, déçue par Nous Deux que vous essayez quelquefois de lire mais le succès n’est pas au rendez-vous. N’a pas sa madeleine de Proust qui veut. Pour beaucoup de sujets, vous êtes devenue dilettante. S’en foutre, c’est gagner sa liberté.

@alinetosca, à suivre…